Torcello, un des bons tailleurs demi-mesure de Paris

Par opposition à la majeure partie des tailleurs de Paris, le nom Torcello n’est pas né d’un maître tailleur éponyme. Les géographes italophiles connaissent cette lagune près de Venise, qui fût une des plus grandes villes d’Italie au X ème siècle. Elle compte aujourd’hui une petite centaine d’habitants et au moins autant de merveilles architecturales. L’Italie, toujours l’Italie.

La boutique Torcello de la rue des Saussaies

Le tailleur Torcello a eu le temps de faire ses preuves avec plus de 30 ans d’existence. Il s’agit d’une des bonnes adresses du sur-mesure à Paris.

D’abord installé à Belleville (XXème à Paris), le tailleur a fini par déménager son atelier rue Cardinet, près du pont. Depuis, d’autres boutiques ont vu le jour rue des Saussaies, avenue de la Grande Armée et rue de Grenelle.

Il ne s’agit certes pas de grande mesure, mais pour 800-950€ vous pourrez avoir un beau costume, rien à voir avec du prêt-à-porter qui peut parfois être plus cher. La maison s’est spécialisée dans le costume même si quelques manteaux sont disponibles. Le panel de tissus disponible est suffisant. Vous y trouverez du Dormeuil mais aussi du Loro Piana, du Schofield… L’essentiel des clients choisissent des tissus sobres et de bon goût, et on y fait peu d’excentricité. En me montrant les commandes en cours, le tailleur de la boutique des Saussaies, me le confirme : « regardez, ce n’est quand même pas du Music-Hall ! ». Pas très étonnant pour des clients qui sont ici surtout des financiers, des avocats d’affaire, des notaires, des haut-fonctionnaires de l’Elysée ou de la place Beauvau, presque attenante à la boutique.

« regardez, ce n’est quand même pas du Music-Hall ! »

Selon les termes du vendeur, la boutique tourne bien et les clients ne sont pas de mauvais coucheurs. Quand ils rentrent dans la boutique, la vente est déjà faite car ils savent ce qu’ils veulent. Les essayages commencent avec une base et ensuite interviennent les mesures et les choix du client. Une ou deux poches en biais, piquées ou non, le cintrage devant/dos, le choix de la doublure … Le tailleur aura, lui, le loisir de noter sur un feuille une bonne vingtaine de mesures et certaines considérations sur l’anatomie du client : estomac fort/ventru, reins creux ou athlétique… Bref, comme chez tous ceux qui font leur métier convenablement.

Après un ou deux essayages, un chèque et une vingtaine de jours, vous aurez votre beau costume Torcello. Comme toujours, si vous avez un physique très particulier, une bosse dans le dos, des bras de longueur non identique, que sais-je encore, Torcello ne fera pas de miracle. Des bons tailleurs grande mesure en feront.

4 réponses à “Torcello, un des bons tailleurs demi-mesure de Paris

  1. Retournez la veste…

    En préambule, toutes mes félicitations pour vos pages bien pensées et agréables à parcourir.
    De plus votre article est l’occasion de me remémorer quantité de souvenirs.

    Fidèle pendant près d’une décennie, j’attire votre attention sur le virage amorcé il y a quelques années par Torcello. Comme on dit « ce n’est plus ce que c’était »..

    Mis à part la qualité de l’accueil rue des Saussaies, les autres boutiques sont bien loin de pouvoir prétendre se hisser au même niveau.
    On se sent davantage accueilli comme dans un vulgaire magasin de prêt-à-porter.
    J’ai le sentiment que Torcello a perdu son âme, son histoire, sa magie… Bref, que ce tailleur d’origine modeste ayant réussi à se faire un nom à Paris n’est devenu qu’un simple businessman…

    A propos de qualité, il existe toujours un bon choix de tissus en revanche, la fabrication elle-même a grandement perdu. Auparavant, la qualité du travail parisien de la dizaine d’employés de l’atelier était présente (l’atelier étant ouvert sur le show-room, on pouvait les observer à l’ouvrage et échanger avec eux).
    Dorénavant, la fabrication est sous-traitée à l’étranger et la qualité en subit les conséquences.

    Enfin, le prix n’a pas seulement subit les conséquences du passage à l’euro !
    La force du rapport qualité-prix depuis sa création fait que les tarifs affichés devraient être entre 500 et 600€ (sans tenir compte des réductions de coût de fabrication !).

    Souhaitons que Torcello reprenne ses esprits pour que mes amis et moi retrouvions avec plaisir le savoir-faire, l’accueil privilégié, les notes d’humour personnalisées (notamment le regretté le tailleur de la boutique rue de Grenelle qui a quitté Torcello il y a plus de 5 ans si mes souvenirs sont bons) que nous avons connus pendant tant d’années…

    En attendant, j’avoue avec regret ne plus fréquenter cette enseigne.

  2. Bonjour,
    Cet article intéressant date un peu et c’est la raison pour laquelle j’aimerais revenir dessus. Peut-être d’actualité à sa date de rédaction, je me permets de souligner que le souhait ci-dessus formulé a des chances de pouvoir être exaucé.

    J’ai rencontré le maître tailleur de la maison Torcello après avoir fait fabriquer un premier costume chez eux. Le premier costume réalisé était un trois pièces gilet/col dans un Loro Piana caviar gris anthracite, rien de délirant si ce n’est qu’il me va vraiment comme un gant et qu’il est de très bonne manufacture. J’étais donc satisfait et aussi ais-je décidé d’en créer deux autres.

    Beaucoup plus exigeant pour le second, j’ai voulu y ajouter ma touche perso, notamment quelques détails correspondant à ma passion pour le style anglais. Pour mon costume « chasse » j’avais des idées arrêtées sur ce que je désirais et en discutant avec le tailleur, j’ai décidé de me laisser conseiller. Le mélange de mes idées et de sa culture ont donné un costume parfait et étonnant. J’ai pas mal de costumes dans ma collection et je peux d’ores et déjà dire que celui-ci remporte le prix du trois pièces le plus commenté (très positivement) dans mon entourage. Nous avons ensuite attaqué sur un croisé Prince de Galles. Ma confiance ayant été gagnée par Torcello, je l’ai laissé injecter sa culture (inépuisable) et ajouter son savoir-faire. Ici encore, très bonne surprise et le Prince de Galles proposé, plus osé que ce que je voulais (ne pas prendre trop de risque), m’a très positivement étonné. Ici encore, coupe parfait et réaction positives.

    Je pense que le côté « businessman » n’est pas un critère de choix pour un tailleur. Chacun doit gagner sa vie, pire encore aujourd’hui où beaucoup en sont arrivé à faire leur possible pour écoper cette crise qui na pas l’air de vouloir s’arrêter. Il est vrai qu’en lisant votre article il a cinq minutes, je me suis dit qu’effectivement, la boutique à laquelle je suis allé aurait besoin d’un lifting. Toutefois, d’un point de vue amour du métier, culture, respect du patrimoine et professionnalisme, je pense que Torcello a tous les atouts pour occuper une noble place parmi les tailleurs de renom de la capitale. Je n’ai pas la réputation d’être un client facile, loin de là, mais je pense que d’un point de vue rapport qualité/prix, je vais garder cette « crèmerie ».

    PS. Je lui ferai part de vos commentaires avisés et je vous remercie vivement pour ce très bon site et pour le partage culturel.

  3. Post très intéressant, je pense cependant que davantage de commentaires clients aurait été le bienvenu. Je suis client chez Torcello depuis plus de quatre années maintenant et j’en suis, je pense, à une bonne quinzaine de costumes. J’ai tout essayé, du pur style anglais au français, en passant par l’Ecosse et l’Italie. Lorsque je suis rentré dans cette boutique (celle de la rue Cardinet) j’ai été reçu par une femme, détail qui m’a donné une semi-impression de magasin de prêt-à-porter, sentiment qu’elle a très professionnellement effacé. Effectivement, après discussion, j’ai pu me rendre compte qu’elle connaissait parfaitement son domaine et, après tout, je ne suis pas sexiste.

    J’ai ensuite rencontré le tailleur de la maison, une personne passionnée qui m’a un peu raconté son histoire, histoire qui se résume à la création d’un atelier de tailleur dans les années 80, proposant de la grande mesure et de la mesure moins compliquée (je n’aime pas le mot demi-mesure car aujourd’hui c’est devenu un terme péjoratif, d’une part, et qui ne s’adapte pas à toutes les façons de travailler, cette expression est beaucoup trop « tout le monde dans le même sac »). Puis il a cherché à développer du sur-mesure de qualité pour une clientèle moins fortunée que celle de la grande mesure. Sa solution a été de créer un atelier au Portugal, à Porto. Ce détail pourrait très facilement amener à penser « c’est comme les autres, la maison Torcello sous-traite au Portugal, donc mauvaise qualité ». Mais lorsqu’il m’en a parlé, en toute transparence (il y avait même des photos de l’atelier portugais dans la boutique de Cardinet), je n’ai pas relevé et je ne suis pas rentré dans un débat, même si j’étais du coup assez sceptique. Je suis en fait plutôt pragmatique, donc j’ai commandé un costume pour voir de quoi il en retournait et de quoi ils étaient capables pour 900 euros, c’est déjà un prix… Résultat un mois plus tard, un trois pièces avec gilet à col en laine Drapers gris tennis, pantalon sans ceinture avec tirettes, à l’anglaise, taille haute et boutons pour bretelles etc… Costume presque parfait sur lequel il a fallu faire deux trois retouches. Au final, un costume parfaitement adapté à ma morphologie, d’une part, mais aussi qui correspondait à ce que j’attendais, et je ne suis pas très fort pour expliquer ce que je veux (j’ai toujours une idée très intellectuelle de ce que je veux mais de là à expliquer précisément mon envie, c’est un tout autre problème), et je pense que c’est un problème chez beaucoup de personnes, la difficulté que l’on a pour expliquer clairement la chose que l’on désire. Habituellement on ne rentre pas dans un magasin en disant « Bonjour, faites-moi quelque chose qui va me faire ressembler à Sean Connery s’il vous plaît ». On peut toujours s’aider d’une photo vous me direz… Le costume m’a coûté 1100 euros. Très sincèrement, j’étais content du produit. Et je n’étais pas dans la « demi-mesure », du tout.

    Deux mois plus tard, je devais me rendre à Porto pour affaires. Je me suis donc rendu chez Torcello et j’ai demandé au tailleur si par hasard, il me serait possible de passer visiter les ateliers de fabrication. Demande à laquelle il m’a répondu par la positive et m’a même donné rendez-vous là-bas en milieu de semaine car il s’y rendait lui aussi. Aillant beaucoup travaillé dans l’imprimerie, je m’attendais à un grand hangar dans la périphérie de Porto, froid et sans âme. Quelle surprise. Les ateliers sont en plein centre de porto, dans un immeuble somptueux qui ressemble davantage aux shows room des grandes maisons. J’ai eu mon explication sur la raison d’un atelier à Porto plutôt qu’à Paris… Lorsque son affaire s’est mise à marcher, José Gonzalez, le fondateur de la maison Torcello, a souhaité démocratiser le sur-mesure, en faire quelque chose accessible à (presque) tout le monde. La grande mesure, il faut compter un minimum de 5.000 euros. Le « demi-mesure », ça ne convient pas aux exigeants. Par demi-mesure, j’entends du prêt-à-porter ajusté à sa taille et à ses formes, dans la mesure du possible, avec des détails non-visibles de qualité « économique ». Monter un atelier à Paris avec une équipe de couturiers compétents, c’est malheureusement hors de prix et ça aurait amené à fabriquer des costume vendus aux alentours de de 2500 ou 3.000 euros. José Gonzalez a pris le parti de baisser le coût de fabrication en délocalisant la production. Comme les autres ? Non, car en ce qui concerne la main d’œuvre, il a pris des novices complets, et il les a formé en leur passant, à chacun, tout son savoir-faire, à la manière des compagnons du devoir. C’est ce détail qui change tout dans le résultat final. Ceci permet d’avoir au final un costume conçu, dans sa fabrication, de la même manière qu’un costume sur-mesure de grande qualité, d’une part, et de pouvoir répondre sans limite à des exigences d’ordre esthétique de la part du client.

    Convaincu, je suis donc devenu fidèle à la maison et j’en suis ravi. Et j’y ai largement gagné en éducation… Je suis passé du statut de client qui n’y connais rien et qui fait croire qu’il connaît tout sur le sujet, avec un œil très critique, au statut de consommateur, plus humble mais bien plus éduqué, car avec Torcello, on peut encore se payer le luxe de discuter et d’échanger. J’ai aussi découvert que l’italien m’allait beaucoup mieux que l’anglais, et j’ai appris à aimer les histoires qui vont avec les styles des costumes réalisés.

    On ne peut pas demander de la grande mesure à un prix discount, mais il y a encore certaines personnes qui font tout ce qu’elles peuvent pour rendre la qualité accessible au plus grand nombre. Malheureusement, c’est devenu chose très rare dans un monde économique matraqué par les charges où les groupes financiers règnent en maître.

    J’espère que vous aurez pris plaisir à lire ces quelques lignes sur mon expérience avec cette maison parisienne.

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